jeudi 19 mars 2020

Les défis du programme d’histoire nationale



Pourquoi l’histoire est-elle une matière si difficile? On trouve des éléments de réponse à cette question dans la recherche de Laurie Pageau (MA, Université Laval, 2016). Les adolescents n’ont pas toujours la maturité neuropsychologique nécessaire à une pensée formelle. Ce niveau cognitif permet d’envisager des possibilités et des hypothèses abstraites, par elles-mêmes, indépendamment de tout jugement de valeur a priori. « L’histoire est […] la plus abstraite des disciplines. […] Le laboratoire de l’historien est tout entier imaginaire. (L’histoire) utilise un langage et des concepts complexes… » (Laville, 1977, pp. 33-34) En fait, une bonne partie de la population adulte ne maîtrise pas la pensée formelle ou hypothético-déductive. En même temps, celle-ci peut apparaître avant l’âge identifié par Piaget.

L’autre forme de pensée qui est souvent difficile d’accès pour les élèves est la pensée combinatoire. « Il s’agit d’un groupe d’idées, fortement liées à l’abstraction, qui permettent à la personne de prendre en considération des faits abstraits, des hypothèses pour, entre autre, les manipuler, les réunir, les mettre en relation vers un point de convergence ou anticiper leur produit. […] Cette capacité à combiner deux idées, deux propositions […] en une nouvelle logique est essentielle dans la construction de sens dans le domaine de l’histoire. » (Pageau, 2016, p. 19).   
           
Cette capacité à penser de manière abstraite, formelle et complexe, à partir d’un bagage de concepts et de connaissances factuelles suffisant pour tirer des conclusions logiques et plausibles, constitue le fondement des compétences rattachées au programme d’histoire nationale. Amener les élèves jusque-là constitue un défi de taille.

Une étude de cas

Pageau a demandé à des élèves inscrits à un cours d’été (après avoir échoué leur cours d’histoire de 4e secondaire en juin) d’exprimer leur vision des raisons de cet échec. Il en est ressortit un ensemble de réponses qui permettent d’identifier des pistes d’action didactiques et pédagogiques.

Certains rejettent la faute sur les défauts de l’épreuve, les manquements de leurs enseignants ou les attentes déraisonnables du ministère. Ils sont souvent découragés face à la difficulté de ce qu’on leur demande et ne pensent pas pouvoir y arriver. On constate alors un phénomène d’impuissance apprise (Goodwin & Thomson 2012). Près de 10% des élèves en étaient même à leur troisième ou quatrième tentative.


Un thème qui revient souvent est celui de l’étude ou de la mémorisation des contenus. Certains élèves croient avoir échoué parce qu’ils n’avaient pas suffisamment appris de contenu par cœur. D’autres se sont étonnés d’un échec après avoir beaucoup travaillé à la mémorisation. Dans les deux cas, la prémisse est que l’histoire consiste en un simple récit qu’il s’agit de mémoriser, et non dans une capacité à raisonner sur la complexité des sociétés humaines et les facteurs de leur évolution. « L’élève qui essaie de démontrer ses connaissances sans faire preuve de ses compétences ne peut pas obtenir une note satisfaisante à cette évaluation. » (Pageau, p. 123)

Plusieurs ont identifié avoir des difficultés spécifiquement avec des habiletés liées à l’histoire, notamment dans l’interprétation des documents. D’autres ont associé leurs problèmes en histoire avec des difficultés plus générales avec la lecture. En ce qui concerne l’examen, ces élèves remarquent des difficultés avec quatre aspects de l’exercice : « la question à développement, l’association entre les textes historiques et la question de l’épreuve, la compréhension de l’histoire et la compréhension des textes historiques » (Pageau, pp. 125-126).

Certains élèvent ont mentionné un manque d’intérêt pour l’histoire en général, dont ils ne voient pas la pertinence. Enfin, quelques élèves ont évoqué des problèmes personnels (gestion du stress, par exemple) ou des circonstances particulières n’ayant pas de lien directe avec la discipline ou l’examen.

Mon résumé des recommandations de Pageau :
·         Donner du sens à l’étude de l’histoire, notamment par une meilleure compréhension de la discipline
·         Accompagner un transfert des stratégies de compréhension de lecture vers les documents historiques
·         Modéliser le raisonnement historique, notamment en présentant des exemples de travaux réussis
·         Travailler en partenariat avec des enseignants de français
·         Varier les stratégies pédagogiques et éviter la routine
·         Préparer à l’épreuve en renforçant l’habitude de recourir à un dossier documentaire et en transmettant des stratégies pour bien l’utiliser

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Cet espace est dédié au partage de réflexions, d'outils et d'expériences autour de l'enseignement-apprentissage en univers social. Il constitue un aspect de mon travail comme conseiller pédagogique, amorcé à l'automne 2018. J'invite les personnes qui le consultent à commenter mes contributions avec franchise et rigueur. Toutes les réflexions présentées dans ce blogue sont incomplètes, sujettes à révision, et le fruit d'efforts collectifs dans le monde de l'éducation.

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