Pourquoi
l’histoire est-elle une matière si difficile? On trouve des éléments de réponse
à cette question dans la recherche de Laurie Pageau (MA, Université Laval, 2016).
Les adolescents n’ont pas toujours la maturité neuropsychologique nécessaire à
une pensée formelle. Ce niveau cognitif permet d’envisager des possibilités et
des hypothèses abstraites, par elles-mêmes, indépendamment de tout jugement de
valeur a priori. « L’histoire est […] la plus abstraite des disciplines.
[…] Le laboratoire de l’historien est tout entier imaginaire. (L’histoire)
utilise un langage et des concepts complexes… » (Laville, 1977, pp. 33-34)
En fait, une bonne partie de la population adulte ne maîtrise pas la pensée
formelle ou hypothético-déductive. En même temps, celle-ci peut apparaître
avant l’âge identifié par Piaget.
L’autre forme
de pensée qui est souvent difficile d’accès pour les élèves est la pensée
combinatoire. « Il s’agit d’un groupe d’idées, fortement liées à
l’abstraction, qui permettent à la personne de prendre en considération des
faits abstraits, des hypothèses pour, entre autre, les manipuler, les réunir,
les mettre en relation vers un point de convergence ou anticiper leur produit.
[…] Cette capacité à combiner deux idées, deux propositions […] en une nouvelle
logique est essentielle dans la construction de sens dans le domaine de
l’histoire. » (Pageau, 2016, p. 19).
Cette
capacité à penser de manière abstraite, formelle et complexe, à partir d’un
bagage de concepts et de connaissances factuelles suffisant pour tirer des
conclusions logiques et plausibles, constitue le fondement des compétences
rattachées au programme d’histoire nationale. Amener les élèves jusque-là constitue
un défi de taille.
Une
étude de cas
Pageau a
demandé à des élèves inscrits à un cours d’été (après avoir échoué leur cours
d’histoire de 4e secondaire en juin) d’exprimer leur vision des
raisons de cet échec. Il en est ressortit un ensemble de réponses qui
permettent d’identifier des pistes d’action didactiques et pédagogiques.
Certains rejettent
la faute sur les défauts de l’épreuve, les manquements de leurs enseignants ou
les attentes déraisonnables du ministère. Ils sont souvent découragés face à la
difficulté de ce qu’on leur demande et ne pensent pas pouvoir y arriver. On
constate alors un phénomène d’impuissance
apprise (Goodwin & Thomson 2012). Près de 10% des élèves en étaient même
à leur troisième ou quatrième tentative.
Un thème qui
revient souvent est celui de l’étude ou de la mémorisation des contenus.
Certains élèves croient avoir échoué parce qu’ils n’avaient pas suffisamment
appris de contenu par cœur. D’autres se sont étonnés d’un échec après avoir
beaucoup travaillé à la mémorisation. Dans les deux cas, la prémisse est que
l’histoire consiste en un simple récit qu’il s’agit de mémoriser, et non dans
une capacité à raisonner sur la complexité des sociétés humaines et les
facteurs de leur évolution. « L’élève qui essaie de démontrer ses
connaissances sans faire preuve de ses compétences ne peut pas obtenir une note
satisfaisante à cette évaluation. » (Pageau, p. 123)
Plusieurs ont
identifié avoir des difficultés spécifiquement avec des habiletés liées à
l’histoire, notamment dans l’interprétation des documents. D’autres ont associé
leurs problèmes en histoire avec des difficultés plus générales avec la
lecture. En ce qui concerne l’examen, ces élèves remarquent des difficultés
avec quatre aspects de l’exercice : « la question à développement,
l’association entre les textes historiques et la question de l’épreuve, la
compréhension de l’histoire et la compréhension des textes historiques » (Pageau,
pp. 125-126).
Certains
élèvent ont mentionné un manque d’intérêt pour l’histoire en général, dont ils
ne voient pas la pertinence. Enfin, quelques élèves ont évoqué des problèmes
personnels (gestion du stress, par exemple) ou des circonstances particulières
n’ayant pas de lien directe avec la discipline ou l’examen.
Mon résumé des
recommandations de Pageau :
·
Donner du sens à l’étude de l’histoire,
notamment par une meilleure compréhension de la discipline
·
Accompagner un transfert des stratégies de
compréhension de lecture vers les documents historiques
·
Modéliser le raisonnement historique, notamment
en présentant des exemples de travaux réussis
·
Travailler en partenariat avec des enseignants
de français
·
Varier les stratégies pédagogiques et éviter la
routine
·
Préparer à l’épreuve en renforçant l’habitude de
recourir à un dossier documentaire et en transmettant des stratégies pour bien
l’utiliser